En date de juillet 2023, le nouveau cadre relatif à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB-FT) proposé par l’Union européenne (UE) poursuit son processus législatif. Largement soutenu par la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Europe, ce plan actuellement en négociation entre ces trois instances est en passe de modifier radicalement l’approche de l’UE en matière de lutte contre la criminalité financière.
L’approche actuelle
Depuis trente ans, les directives anti-blanchiment (AMLD) sont le socle de la politique de l’UE en matière de LCB-FT. Les États membres mettent généralement des années à remplir leur obligation de transposer dans leurs lois nationales ces règlements qui ne fixent que des normes minimum, ce qui laisse place à une grande diversité de variantes nationales. Au-delà de créer des défis en termes de conformité pour les établissements qui exercent dans plusieurs pays, ces disparités sont exploitées par les criminels.
Le plan LCB
Pour contrer les défaillances du système et après plusieurs scandales bancaires, la Commission a formulé une série de propositions de réforme de la LCB-FT en juillet 2021. Ce train de mesures comporte quatre textes législatifs :
- Un règlement visant à créer une autorité LCB (AMLA) pour superviser les régulateurs LCB nationaux et les établissements financiers systémiquement importants.
- Une nouvelle directive 6AMLD concernant les structures nationales chargées de la réglementation et de faire appliquer la loi. (À ne pas confondre avec la Directive 2018/1673 sur les infractions LCB-FT souvent aussi appelée 6AMLD.).
- Un nouveau Règlement LCB (AMLR) pour fournir un corpus réglementaire unique au secteur privé obligé.
- La révision du règlement sur les Transferts de fonds (TFR) pour faire entrer les prestataires de services de cryptoactifs (PSCA) dans le cadre réglementaire et les obliger à recueillir des informations sur l’émetteur et le bénéficiaire des transactions (la « règle de voyage »).
Chacune de ces propositions est étudiée plus en détail dans notre Guide du nouveau cadre LCB-FT de l’Union européenne).
Développements récents
Un seul des quatre projets du plan est totalement entendu – le TFR – que le Parlement et le Conseil ont approuvé respectivement en avril et en mai 2023. L’entrée en vigueur du TFR en janvier 2025, à peu près en même temps que le règlement sur les marchés des crypto-actifs (MiCA), fait entrer un large éventail de PSCA dans la réglementation financière de l’UE.
Concernant les trois autres volets du train de mesures, les échanges se poursuivent. En juin et en décembre 2022, le Conseil a validé une position commune sur les propositions et, en avril 2023, le Parlement a formulé ses propositions d’amendements. Une discussion tripartite informelle, ou « trilogue», s’est ensuite engagée entre la Commission, le Conseil et le Parlement pour trouver un terrain d’entente.
Tout en soutenant le train de mesures global, le Conseil et le Parlement ont suggéré d’en renforcer les conditions. Le Conseil a ainsi demandé que l’AMLA soit plus puissante qu’initialement prévu et notamment dotée de pouvoirs directs pour faire appliquer la loi et surveiller certaines catégories d’établissements financiers les plus à risque tels que les PSCA. De même, le Conseil souhaite une plus grande transparence publique concernant les registres nationaux des bénéficiaires effectifs (BE). Pour sa part, le Parlement a suggéré des mesures plus contraignantes et de plus grande portée, notamment :
- Une autorité AMLA plus forte : Suite à l’élargissement des sanctions de l’UE contre la Russie depuis 2022, le Parlement a demandé que l’AMLA contribue à mettre en œuvre les sanctions financières de type saisies, confiscations et gels d’avoirs. Le Parlement propose en outre que l’AMLA procède à l’évaluation collégiale des registres des BE, serve d’arbitre entre les régulateurs nationaux et facilite la coopération entre les unités de renseignement financier (CRF).
- Une plus grande transparence concernant les BE : Le Parlement entend veiller à ce que les renseignements sur les BE pour les entreprises immatriculées en dehors de l’UE soient inclus dans les registres et que les registres de comptes bancaires, de portefeuilles de cryptoactifs et de coffres-forts soient accessibles à l’AMLA et aux CRF via une plateforme centralisée. De plus, il souhaite la création de registres pour les biens immobiliers et les actifs de grande valeur tels que les yachts et les véhicules motorisés (valant plus de 200 000 euros).
- L’abaissement des seuils des BE :Le Parlement propose d’abaisser à 15 % le seuil des BE, avec soit une participation soit des droits de vote ou à 5 %, avec une participation pour les secteurs à haut risque, comme défini par la Commission.
- L’élargissement du champ d’application : Le Parlement propose que les gestionnaires de patrimoine, les clubs de football de haut niveau et les agents de joueurs de football deviennent des entités obligées.
- L’abaissement des seuils d’obligation de vigilance : Le Parlement propose d’abaisser le seuil des obligations de vigilance à l’égard de la clientèle (à 5000 euros au lieu de 10 000 euros) pour les fournisseurs de biens précieux tels que les œuvres d’art. De même, il propose de fixer un plafond pour accepter le paiement de marchandises et de services sans obligation de vigilance jusqu’à 7000 euros en espèces et jusqu’à 1000 euros en crypto-monnaies.
Poursuites des discussions
Les sessions prévues au début de l’automne permettront de poursuivre les négociations intervenues en mai et en juin derniers. De réels progrès ont été enregistrés sur le règlement AMLR et la directive 6AMLD, mais il semblerait que des désaccords sur l’AMLA freinent le rythme. Dès lors, un autre vote final sur le train de mesures, à la fois par le Parlement et par le Conseil, ne devrait donc pas intervenir avant le dernier trimestre 2023 voire début 2024.
Si tel est le cas, la création de l’AMLA s’en trouverait fortement ralentie alors que la Commission espérait au départ en voir un état embryonnaire début 2023. En l’état actuel, il est peu probable que l’AMLA puisse entamer ses premières activités avant 2024, disposer de toutes ses ressources avant fin 2025 et engager des missions de surveillance en 2026. Le nouveau corpus réglementaire unique et la directive 6AMLD devraient être en place entre 18 mois et 2 à 3 ans après leur accord.
Ce qu’il faut retenir
Pour les PSCA nouvellement obligés, il y a urgence à veiller à ce que des contrôles LCB-FT adaptés soient mis en place pour se conformer aux exigences des règlements TFR et MiCA. Pour les entités déjà tenues de respecter les règles LCB-FT, l’urgence est moindre. Néanmoins, tous les établissements qui exercent dans l’UE doivent faire très attention aux développements car les nouveaux mécanismes de surveillance et le corpus réglementaire unique, quel qu’en soit le format définitif, pourraient donner lieu à des exigences plus larges et plus contraignantes en termes de LCB-FT. Les établissements doivent être prêts à réagir rapidement pour s’assurer de respecter les exigences croissantes des autorités de réglementation, éviter des pénalités et limiter les coûts de mise en conformité.
Publié initialement 28 juillet 2023, mis à jour 28 juillet 2023
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